Quartiers sacrifiés : chronique d’une identité perdue
5/8/20242 min read


Il fut un temps où Hydra incarnait l’élégance discrète d’Alger. Ses villas aux jardins fleuris, ses rues calmes bordées d’arbres centenaires et son atmosphère résidentielle en faisaient un quartier recherché, symbole d’un certain art de vivre à l’algéroise. Aujourd’hui, ce paysage a volé en éclats. Hydra est devenu un laboratoire du chaos urbanistique, où la logique immobilière a supplanté toute vision d’harmonie et de préservation.
Hydra, du havre de paix au chantier permanent
En quelques années, des immeubles de luxe ont poussé au cœur même de ce tissu pavillonnaire. Ces constructions massives, souvent sans cohérence architecturale avec leur environnement, ont bouleversé l’équilibre du quartier. Le bruit incessant des chantiers, l’encombrement des rues, la disparition progressive des espaces verts : Hydra n’a plus rien à voir avec le quartier d’antan.
Cette situation a été telle que les autorités ont dû, pendant plusieurs années, suspendre la délivrance de permis de construire dans la commune. Une décision inédite, qui montre bien à quel point le phénomène avait atteint un seuil critique. Pourtant, loin d’être une solution durable, ce gel n’a fait que déplacer le problème vers d’autres zones voisines.
Une contagion urbaine : Kouba, El Biar, Bab Ezzouar, Cheraga…
Hydra n’est pas un cas isolé. Kouba, autrefois quartier familial et animé, voit aujourd’hui ses petites maisons tomber les unes après les autres sous les coups de bulldozer pour laisser place à des immeubles imposants. El Biar, situé sur les hauteurs d’Alger et connu pour ses bâtisses de caractère, subit la même pression foncière. Bab Ezzouar, déjà saturé par les activités commerciales et universitaires, se retrouve englouti dans une urbanisation anarchique qui asphyxie la circulation et dégrade la qualité de vie. Cheraga et Bordj El Kiffan suivent le même chemin, au prix de leur identité.
Partout, le même scénario : des quartiers à taille humaine se métamorphosent en jungles de béton, perdant leurs repères et leur charme. Les habitants, eux, assistent impuissants à la transformation de leur cadre de vie en un environnement impersonnel et congestionné.
Des citoyens en résistance, mais sans écho
Face à cette déferlante, des voix s’élèvent. Pétitions, alertes sur les réseaux sociaux, courriers aux autorités locales… de nombreux habitants tentent de faire entendre leur désarroi. Mais leurs cris restent sans effet réel. Les commissions locales d’urbanisme, souvent trop permissives ou dépassées, valident des projets qui s’empilent les uns sur les autres.
Le sentiment d’abandon gagne du terrain. À Hydra comme ailleurs, les citoyens ne voient plus l’État comme protecteur de leur cadre de vie, mais comme complice d’un saccage organisé. Et cette fracture nourrit une défiance croissante envers les institutions.
La perte d’une identité collective
Ce qui est en jeu dépasse la simple esthétique urbaine. C’est la mémoire collective et l’identité même des quartiers algérois qui disparaissent. Hydra, Kouba, El Biar ou Cheraga ne sont pas seulement des espaces bâtis : ce sont des morceaux de l’histoire d’Alger, des lieux qui portaient un style, une ambiance, un patrimoine.
En les sacrifiant sur l’autel de la promotion immobilière, c’est un héritage urbain que l’on efface, et avec lui, le lien affectif des habitants avec leur ville. Une ville qui ne ressemble plus à ce qu’elle était hier, et qui risque demain de n’être qu’une succession impersonnelle de tours sans âme.
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