Urbanisme illégal et blanchiment d’argent : l’autre visage de la promotion immobilière
8/21/20252 min read
Derrière les façades étincelantes des immeubles de luxe qui surgissent à Alger se cache une réalité beaucoup plus sombre : l’immobilier est devenu l’un des instruments privilégiés de blanchiment d’argent. Un mécanisme discret mais implacable, qui alimente la spéculation, saigne les finances publiques et exclut le citoyen moyen d’un marché devenu inaccessible.
Des prix délirants et opaques
Comment expliquer que certains appartements atteignent aujourd’hui 60 millions de dinars, alors même que l’offre dépasse largement la demande réelle ? Plus troublant encore : ces transactions se font souvent en liquide, sans traçabilité bancaire, et avec des montages financiers qui défient toute logique économiques
Dans la majorité des cas, le prix affiché chez le notaire ne correspond pas à la réalité. Une partie de la transaction est déclarée – souvent la moitié – et l’autre est réglée en espèces, sous la table. Conséquence directe : l’État perd des milliards en impôts, et le marché devient un terrain de jeu réservé à ceux qui manipulent des fonds opaques.
Quand la pierre recycle l’argent sale
Les experts de l’immobilier ne s’y trompent pas. L’explosion des projets de promotion immobilière n’est pas uniquement liée à une demande réelle de logements. Elle est aussi alimentée par des réseaux financiers soucieux de recycler leur argent issu de la corruption, de la contrebande ou d’autres pratiques illégales.
L’immobilier, par sa nature, se prête parfaitement à ce rôle : les valeurs y sont élevées, les transactions complexes, et le contrôle étatique reste faible. Là où autrefois ces capitaux illégaux prenaient la route de l’étranger, ils trouvent désormais dans le béton algérois une opportunité de recyclage tout aussi rentable, mais beaucoup plus difficile à tracer.
Un marché qui exclut les citoyens
Le citoyen algérien moyen se retrouve, lui, pris en otage de cette spéculation. Alors que ses revenus stagnent, il doit affronter des prix artificiellement gonflés par cette dynamique opaque. Résultat : l’accession à la propriété devient un rêve inaccessible pour une majorité de familles, condamnées à la location précaire ou à l’endettement sur plusieurs décennies.
À cela s’ajoute un effet pervers : les quartiers populaires et résidentiels se gentrifient brutalement. Les nouveaux logements « haut standing » ne sont pas conçus pour répondre à un besoin social, mais pour servir d’outils de valorisation patrimoniale à des investisseurs disposant de liquidités douteuses.
Un désastre économique silencieux
Cette frénésie n’apporte aucune valeur ajoutée à l’économie nationale. Les matériaux haut de gamme utilisés dans ces projets (carrelages, robinetteries, cuisines, ascenseurs) sont presque toujours importés. Les devises sortent massivement du pays, sans bénéfice réel pour les filières locales de construction.
De plus, les promoteurs échappent largement au contrôle fiscal, alors même que les prix de vente sont bien connus sur le marché. Où sont les redressements ? Où sont les enquêtes patrimoniales ? L’absence de rigueur dans ce domaine entretient un cercle vicieux où les plus puissants prospèrent, et où l’État, censé protéger l’intérêt collectif, se prive volontairement de ressources fiscales vitales.
Quand l’urbanisme devient complice
Ce phénomène de blanchiment par la pierre n’est pas neutre. Il nourrit directement le désordre urbanistique : plus les capitaux illégaux cherchent à s’investir, plus les projets immobiliers se multiplient, sans logique ni vision d’ensemble. Alger se retrouve ainsi saturée de chantiers dont l’objectif n’est pas d’améliorer la ville, mais de blanchir de l’argent et de maximiser des profits rapides.
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